Bienvenue sur Histo.com, la plus
ancienne librairie d'histoire locale sur le Net...


Retrouvez l'intégralité de la collection
Monographies des villes et villages de France
Des livres de référence d'histoire locale

1793, "BOULONNAIS au travail et à la fête (Les)", "Raymonde Menuge-Wacrenier", "1999, réimpression", "Format 20 X 30.", 200, "", 4, "Combien de fois Émile ne s'est-il assis au pied du calvaire en haut de la falaise pour guetter le retour des autres ? Mais aujourd'hui, c'est tout autre chose : c'est « son »bateau qui rentre au port. La pêche à la morue, en Islande ou à Terre Neuve, c'est dur quand on n'a que 14 ans : l'océan glacial, sinistre, véritable « cimetière des marins », où cette année encore, malgré les intempéries, plus de 200 bateaux français étaient au rendez-vous. Émile est fier de lui, et pourtant sa première paye n'est pas bien grosse : juste de quoi payer, chez Corbec, les bottes, le ciré et le suroît qui en feront un vrai matelot.
Il ne sait pas encore que Marie, sa mère, a trouvé du travail à « l'fabrique à plumes », chez Blanzy. Elle aurait pu exercer un métier plus pénible : sautrière, verrotière, « toujours à l'grèle du temps »ou, comme les ramendeuses, les mains tachées de goudron, remplacer les mailles rompues des filets jusque tard dans la nuit, à la lumière douteuse des lampes à pétrole.
Il rentre chez lui en empruntant les pittoresques rues de Boulogne toutes imprégnées d'odeurs de poisson séché, d'huile de lin, de goudron et de cordages mouillés. Là-bas, la grosse cloche cuivrée sonne pour annoncer le petit train Le Portel - Bonningues qui traverse la ville tractant les grandes caisses de bois bombées recouvertes de carton bitumé, wagons où se côtoient les fermiers qui se rendent au marché de Boulogne et les familles venues profiter des bains de mer. Les rues sont sillonnées de carrioles, de calèches et de fiacres que le tramway, mû par la force électrique, n'a pas fait disparaître.
Tout là-haut, l'église St-Pierre découpe sa silhouette massive dans le ciel si bleu aujourd'hui. C'est là que dimanche, Emile accompagnera son père arborant ses médailles de sauveteur sur son costume noir un peu verdi, et sa mère, digne dans ses habits de Boulonnaise. A la pensée de revoir ses parents il serre dans sa main la petite vierge protectrice que Marie a mise dans sa poche, après le pèlerinage à Jésus Flagellé, le soir qui a précédé son départ. Maintenant, il court pour monter les dernières marches : la maison est là, accueillante. Tout y est pareil : la statue de la vierge jalousement gardée sous son globe de verre, le diplôme de sauveteur de son père emprisonné dans son cadre de bois, les photos jaunies avec les portraits de ses oncles disparus, le crucifix où fane le buis béni des derniers rameaux... et surtout la silhouette de sa mère, à la porte de la chambre qui le regarde ses yeux brillants de joie : « Émile, c'est Émile ! ».
Elle est bien petite sa maison mais, cet été, il faudra encore se serrer davantage en logeant dans le sous-sol pour laisser la place aux estivants. Ils arriveront par « les trains de plaisir »de Paris, Reims, Roubaix ou encore de la campagne. Ils iront animer les cafés, les boutiques, se promèneront le long des parterres fleuris et autour du kiosque à musique.
Au casino, le « Palais Neptune », on jouera « Mam'zelle Nitouche »et bien d'autres spectacles. Les salles de jeux seront pleines du 15 juin au 15 octobre. Les bourgeois porteront leurs gants gris perle pour aller au théâtre ou aux courses ; Émile, lui, ira peut-être écouter des concerts ou regarder les bals populaires au jardin des Tintelleries ; il est encore trop jeune pour fréquenter comme tous les matelots « l'cave à Thuillier », presque « un caf'conc »où l'on déguste en même temps moules et frites...
EN SAVOIR PLUS ET COMMANDER CET OUVRAGE ?